Couverture du livre de Silvia Ferrara : Avant l'écriture / Signes, figures, paroles / Voyage aux sources de l'imagination
Avant l'écriture - Signes, figures, paroles - Voyage aux sources de l'imagination de Silvia Ferrara (Edition du Seuil - 2023)

« Avant l’écriture » de Silvia Ferrara, un livre inspirant.

Comment expliquer que des formes simples (spirales, croix, points) aient traversé les siècles, les cultures, les langages ?

Dans son livre « Avant l’écriture – Signes, figures, paroles, voyage aux sources de l’imagination » (Editions du Seuil – 2023 pour la traduction française), Silvia Ferrara nous invite à explorer cette énigme.
Son approche n’est ni technique, ni académique. Elle nous parle de regard, de liberté, de ce qui précède les mots.

Ce livre m’a profondément marquée.
Il fait résonner quelque chose de très intime dans ma pratique du graphisme.
Je vous partage ici quelques échos et pistes de réflexion qu’il a fait naître.

Un regard d’artisan du trait sur le livre « Avant l’écriture » de S. Ferrara

Certains livres ne se contentent pas d’informer : ils déplacent.
Ils nous re-situent, à l’échelle du temps, bien au-delà de nos outils contemporains.
Ce livre de Silvia Ferrara est de ceux-là.


Un voyage archéologique, poétique et libre

Loin d’un traité aride sur l’écriture, ce texte est un récit d’exploration, à la frontière entre la science, la littérature et l’intuition sensible. Archéologue et spécialiste des systèmes d’écriture disparus, Silvia Ferrara nous entraîne dans un périple fascinant à travers les figures : empreintes, traces, formes géométriques, signes gravés, écritures énigmatiques, symboles perdus. Mais aussi et surtout, dans un voyage aux sources de l’imagination humaine.

Son approche, profondément humaine et sans dogmatisme, laisse la part belle à l’inconnu, à l’hypothèse, à l’émotion, comme un hommage à toutes les mains qui ont tracé, inscrit, gravé avant nous.


Une lecture qui déplace

Ce qui me touche à chaque fois dans les ouvrages qui convoquent les origines de notre humanité graphique, c’est ce qu’ils provoquent en moi un recentrage brutal sur la ligne du temps.

À l’échelle paléontologique, notre passage est minuscule. Et pourtant, notre besoin de figurer, de représenter, de laisser notre trace est immense.

Silvia Ferrara n’interprète pas à tout prix. Elle observe avec tendresse, et ça change tout.
Elle redonne aux signes leur mystère.
Elle n’exige pas de comprendre, elle invite à regarder.

Et dans ce regard flottent deux choses qui m’émeuvent au plus haut point :

  • la diversité infinie des figures inventées par les humains,
  • et la ressemblance troublante entre certains de ces signes, tracés à des milliers de kilomètres et de siècles de distance.

Avant l’écriture : déjà des signes

Dans les premières pages du livre, Ferrara rappelle que les figures ne sont pas une étape « primitive » vers l’écriture, mais bien un autre mode d’expression, avec ses propres logiques.
Leur disparition ne tient pas à leur infériorité, mais à un basculement culturel. Une question de contexte et/ou de contingence.

C’est une idée précieuse à rappeler dans notre monde numérique où l’on valorise sans cesse la vitesse, l’efficacité, l’utilité.
Les signes d’avant l’écriture étaient gratuits, parfois cérémoniels, parfois purement ornementaux, souvent chargés de sens, mais sans forcément de « message ».


L’abstraction : une capacité profondément humaine

Ce qui revient tout au long de l’ouvrage, et qui m’interpelle profondément en tant que graphiste, c’est notre faculté innée à styliser, à épurer, à extraire la quintessence du réel pour la transmettre sous forme de figure.

Avant même d’écrire, nous avons dessiné.
Et ce dessin n’était pas toujours figuratif : l’abstraction est là, dès le début. Nous sommes câblés pour ça !

On pense ici au travail de Geneviève von Petzinger, qui a répertorié 32 signes graphiques récurrents dans les grottes paléolithiques d’Europe.
Des zigzags, des points, des croisillons…
Pas des animaux. Pas des scènes.
Mais des formes récurrentes et organisées.

Signes géométriques et schématiques identifiés par Geneviève von Petzinger dans des grottes paléolithiques du monde entier (Photo du livre Avant l’écriture de S. Ferrara – Editions du Seuil – 2023)
Signes géométriques et schématiques identifiés par Geneviève von Petzinger dans des grottes paléolithiques du monde entier (Photo du livre Avant l’écriture de S. Ferrara – Editions du Seuil – 2023)

Ce qu’elle y voit ? Un pré-langage graphique partagé.
Une forme d’alphabet visuel, transmis par tradition orale ou gestuelle.
Rien n’est prouvé, bien sûr. Mais c’est troublant.
Et cela vient appuyer la thèse de S. Ferrara : l’abstraction ne date pas d’hier.
Elle est fondatrice.


Artisan du trait : un ancrage personnel

C’est dans cette vision que je me retrouve, pleinement, en tant qu’artisan du trait.
Je conçois des identités visuelles, des signes graphiques, des compositions qui (sans le revendiquer à chaque fois) s’inscrivent dans un héritage millénaire. Je n’invente pas les signes, je les utilise et je les (re)combine.

Je travaille la forme pour qu’elle dise plus qu’elle ne montre.
Je cherche la lisibilité sans sacrifier le sens.
Et surtout, je garde en tête que chaque figure dessinée contient quelque chose de nous.


Ce que ce livre nous dit du présent

À la lecture d’Avant l’écriture, je retiens surtout ceci :

  • Ce n’est pas parce qu’un signe est ancien qu’il est dépassé.
  • Ce n’est pas parce qu’une figure n’a pas de mot qu’elle ne parle pas.

Nous portons tous en nous cette capacité à dessiner, à figurer, à encoder le monde avec des formes.
Pas besoin d’être artiste.
Pas besoin d’être initié.
Juste besoin de regarder autrement.

Ce livre n’explique pas les signes. Il les honore.

Et moi, à ma mesure, en les combinant aujourd’hui, je tente de leur faire écho.


Croquis, graphisme, design : une même filiation du trait

Avant d’être graphiste, j’ai exercé comme architecte d’intérieur.
Un métier où le trait est outil, langage et esquisse de pensée.
Un croquis de conception, une coupe à main levée, une perspective suggérée : ce sont des signes qui sont non verbaux, mais puissants.

En design graphique, c’est la même logique.

  • Un logo stylise.
  • Un pictogramme condense.
  • Une composition hiérarchise.

Et dans le dessin de conception comme dans le sketchnoting, on retrouve ce besoin d’aller à l’essentiel, de transmettre en peu de traits, avec force et clarté.

Ce sont, à mon sens, des prolongements modernes des figures ancestrales.

Vous avez un projet graphique ?

Qu’il s’agisse d’une identité visuelle, d’un rapport institutionnel, d’une plaquette, d’un livret ou d’une brochure, je vous accompagne pour composer avec justesse, équilibre et personnalité.
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